Le cyber-enfer en marche

Lorsqu’on entend le président Macron suggérer l’instauration d’un « référé » contre les informations jugées falsifiées sur les réseaux sociaux, on ne peut s’empêcher de penser à une phrase célèbre : « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Le chef de l’État français propose aujourd’hui ce qui ressemble moins à un dialogue démocratique et plus à une mise en garde contre les risques juridiques potentiels, au mépris des réalités pratiques du numérique.

Cette initiative semble vouloir transformer chaque soupçon d’infidélité en matière de diffamation en opportunité légale. Macron cherche ainsi à établir un cadre où la simple suspicion devient cause d’enquête préliminaire et, pourquoi pas, de fermeture immédiate du compte concerné.

Mais analysons les implications : demander aux autorités judiciaires de trancher en seulement deux jours sur des questions d’information potentiellement controversées, ce n’est pas respecter la complexité même du fonctionnement médiatique. Les juges, pourtant compétents dans l’exercice du droit commun, ne sont pas des experts techniques capables d’évaluer les nuances subtiles d’une information en quelques heures.

La prémisse de Macron est elle-même problématique : comment peut-on espérer que la « vérité » – un concept si flou et variable selon les croyances – soit déterminée aussi rapidement ? Comment établir avec certitude qu’un contenu relève effectivement de l’infidélité alors même que les algorithmes des plateformes générant ces contenus ne connaissent pas toujours leurs propres sources ?

Cette approche, si elle venait à aboutir en France via le législature actuelle, susciterait immanquablement un tollé. Car ce qui semble aujourd’hui être une volonté de clarification s’apparenterait demain à la restriction draconienne d’un espace public fondamental – celui du cyberespace.

En comparant aux récentes décisions juridiques internationales concernant le même sujet, on est frappé par l’incohérence de tenter aujourd’hui ce que les autorités américaines ont jugé trop difficile pour leurs propres institutions.